Claude  Mauriac
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Claude Cairuam

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JOURNAL

 

Je reçois une lettre adressée au docteur Cl. Mauriac. Erreur de la Chronique Médicale qui accepte mon second article (sur Rousseau), article qui, naturellement, sera signé Claude Cairuam [11 novembre 1931, Ti 7, 41 : « docteur Cl. Mauriac » a été corrigé en « docteur C.C. », ce qui rend incompréhensible la qualification « d’erreur »].

Intermédiaire [22 novembre 1931].

Je reçois l’Intermédiaire [5 décembre 1931, inédit]

Je reçois une lettre adressée à M. Claude Cairuam… C’est cet ineffable René de Vivie de Régie, qui dans les mêmes termes me dit à peu près les mêmes choses qu’il y a un mois… Fort flatteur en tout cas. [8 décembre 1931, inédit]

Intermédiaire – J’envoie à la C. Médicale un article sur les foules révolutionnaires [17 décembre 1931, inédit].

Je reçois une lettre du docteur Lartigues qui accepte mon 3e article pour la Chronique Médicale, sur les foules révolutionnaires. Il s’excuse cependant d’être obligé d’y faire quelques coupures à cause de la susceptibilité de certains de ses lecteurs (mes articles seront lus par tous les médecins de France, j’en suis très fier !). Je ne comprends pas par exemple ce qui a pu choquer le directeur de la Chronique Médicale dans ce simple article sans aucune prétention. Voilà du reste un court passage de cette lettre :
« Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre nouvelle note. Je l’enregistre avec plaisir pour la publier le plus tôt qu’il me sera possible. Je vous prie seulement de bien vouloir m’autoriser à quelques coupures de mots. Ce n’est pas que je pense sur le sujet que vous avez traité d’autre manière que vous-même mais je suis tenu à ménager les susceptibilités de tous les lecteurs et à tenir compte de l’incompréhension qui est hélas naturelle à quelques-uns. Votre note ne perdra rien à la suppression de quelques lignes et cette suppression me donnera toute tranquillité, du moins je l’espère, etc. » [20 décembre 1931, inédit]

Je reçois un premier numéro de la Chronique Médicale qui dorénavant me parviendra chaque mois en tant que collaborateur [22 décembre 1931, inédit].

Je recopie mon article Napoléon taquin [25 décembre 1931, inédit]

Je reçois une lettre du docteur qui me renvoie mon article sur Napoléon. Je lui avais demandé de bien vouloir le publier avant mes autres articles. « Votre article m’eût fort convenu mais comme vous avez intérêt à ce qu’il paraisse bientôt et que je ne sais pas du tout quand je pourrai le publier je crois vous être utile en vous le retournant… La substitution que vous proposez est impossible pour deux raisons, etc. »
J’ai envoyé mon « Napoléon taquin » à « mon cher confrère » René de Vivie de Regie. S’il ne peut le faire publier dans une des nombreuses revues où il collabore, il me sera toujours temps de le renvoyer à la Chronique Médicale.
Je commence un nouvel article : « Napoléon et la médecine. » [28 décembre 1931, inédit]

Je finis et recopie mon article sur Napoléon et la médecine [29 décembre 1931, inédit]

Je rédige un article : Napoléon contre les femmes. Je ne sais ce qu’il vaut mais en tous les cas je me suis passionné à l’écrire [31 décembre 1931, inédit]

[Suit une récapitulation de l’année où l’on trouve :] Apparition dans l’Intermédiaire [des chercheurs et curieux, ajouté dans le Ti] d’un nommé Claude Cairuam qui bientôt fera son entrée dans la Chronique Médicale [Ti 8, 19]

 

 

L’INTERMEDIAIRE (15 décembre 1931)

 

Prophéties et curiosités sur Napoléon (XCIV, 329, 437, 544, 633, 728). — Derrière la statue de Condorcet, au n° 13 du quai Conti, on peut voir encore la maison qu’habita Mme de Pernon, mère de la duchesse d’Abrantès et où Napoléon avait sa chambre.

Nous ne pouvons mieux répondre à la question de notre confrère M. A. Chauvin qu’en citant le passage des Mémoires de la duchesse d’Abrantès (t. 1, p. 59) :

Lorsque aujourd’hui je passe sur le quai Conti, je ne puis m’empêcher de regarder une mansarde à l’angle gauche, au troisième étage. C’est là que logeait Napoléon toutes les fois qu’il venait chez mes parents. Cette petite chambre était fort jolie. A côté se trouvait celle de mon frère…

Puisque l’occasion m’en est donnée, je rappellerai que c’est par erreur qu’une plaque commémorant le passage de Napoléon a été apposée par Napoléon III au n° 5 du quai Conti. L’extrait des Mémoires que l’on vient de lire est probant à cet égard et il semble me souvenir que M. Georges Cain l’a lui aussi démontré dans son livre Les Pierres de Paris.

Claude Cairuam

 

 

JOURNAL

 

Je me réabonne à l’Intermédiaire [3 janvier 1932, inédit]

Claire et Luce reviennent de Vémars et m’en rapportent une lettre de R. Vivie de Régie adressée à M. Claude Cairuam. En voici les principaux passages. Inutile de dire ma fierté à la lectures de lignes plus bas recopiées à l’encre rouge [ici en italiques] :

« Arcachon le 4 janvier 1931 [sic]
Monsieur et cher confrère
J’ai bien reçu votre attachante relation sur Napoléon taquin. C’est un très heureux raccourci que vous avez établi là et vous le présentez de la façon la plus captivante… Je vais envoyer votre intéressante communication à M. Edouard Driant, directeur de la « Revue des Etudes Napoléoniennes ». Cela m’étonnerait fort qu’il ne l’insérât point. Je vous cite à plusieurs reprises, au cours de mon « Napoléon universel » (Napoléon universel, par René de Vivie de Régie. Trois volumes grand in-8 pour paraître en 1933. CM.). Je veux espérer avoir encore maintes fois l’occasion de puiser en vos écrits, etc. »

Je réponds à M. René de V. de Régie [6 janvier 1932, inédit]

A la maison je trouve les épreuves de mon article sur l’inconscience… [16 janvier 1932, Ti 8, 29]

Reçu la Chronique Médicale… [19 janvier 1932, inédit].

Je me réjouis de la magnifique et rare lettre historique et militaire de Moreau et en étudie les particularités. Cette effraction [sic] à la règle que je m’étais fixée (celle d’abandonner la Révolution en tant que divertissement à cause du bachot) me plonge dans une joie indicible. [3 février 1932, inédit]

Je vais chez Charavay qui me lit mon autographe de Moreau et m’assure de la fausseté [de celui] de Louis XVI que je renvoie à Le Bodo. [4 février 1932, inédit]

 

 

L’INTERMEDIAIRE (15 février 1932)

 

Une lettre inédite du général Moreau à l’armée du Rhin. — Je désirerais avoir quelques renseignements au sujet d’une lettre autographe du général Moreau que je viens d’acquérir. Elle est ainsi rédigée :

Armée du Rhin
Le Général Moreau au lieutenant général Le Courbe
On ne nous envoie pas un sou de pain, mon cher général, pas même pour la table et les négociations sont très difficiles dans ce pays où l’argent est rare, mais je suis très sûr de la bonté du papier. Vous sentez la politique du gouvernement : il ne peut vouloir laisser sortir d’argent de France. Celui de l’Allemagne est à francfort, et par la fausseté du mouvement qu’on nous a fait faire, je n’ai pu dégager cette place.
On commence à payer la solde, mais on est obligé d’aller doucement également à cause des négociations de papiers. L’aide camp du ministre vient de nous apporter pour l’objet encore un million en traite.
Tâchez d’engager la chambre administrative ou le Commerce de Zurich de prendre le papier. Je vous garantis de sa bonté.
S. et amitié
Moreau
3 germinal…
J’attends de Salle.

Quelque aimable intermédiairiste pourrait-il fixer la date exacte de cette lettre ?

Pourrait-on savoir d’autre part à quelles négociations et à quels papiers Moreau fait allusion ? Où se trouvait Moreau au moment où il écrivit cette lettre ? Je recevrais également avec plaisir toutes autres communications au sujet de cette lettre. (col. 89-90)

Claude Cairuam

 

Le ministre Duchâtel à la fin du règne de Louis-Philippe. — Voici une lettre inédite de Duchâtel, recopiée à l’intention des lecteurs de l’Intermédiaire [suit la lettre datée du 18 7bre 1846]

Cette autre datée du 8 avril 1947 qui me paraît assez énigmatique [suit la lettre] (col. 135)

Claude Cairuam

 

Paris vu par un prêtre en 1790. — Extrait d’une lettre d’un prêtre inconnu à son neveu, datée du 19 juillet 1790 :

Je crois bien mon cher ami que tu as bien envie de venir à Paris, mais cette ville n’est plus la même, tu y verrais que gens tristes qui perdent leurs Etats et en partie leur fortune, on n’y voit plus cette politesse qui régnait partout, tu y verai une peuple insolent qui se dit à présent votre égal. Paris est fort mosade a présent, les jeunes gens sont tous militaires, mais cela ne donne pas d’argent, et il faut vivre.

(col. 135-136)

Claude Cairuam

 

Lettre par Ballon Monté, 1870. — J’ai eu dernièrement connaissance de cette intéressante lettre que je communique aux lecteurs de l’Intermédiaire : [suit le texte de la lettre, datée de Lisieux, 3 octobre 70] (col. 136)

Claude Cairuam

 

[A la fin, courte note sur Jean Davray, non signée]

Jean Davray vient de publier aux Editions de la Revue Mondiale une Vie de Lamartine qui retient l’attention. En 200 pages M. Jean Davray a su nous donner de Lamartine un aperçu précis, net et nouveau même par certains côtés. Tous les amis de Lamartine – et même les autres – liront avec plaisir ce livre agréable où ils ne pourront s’empêcher de trouver de très grandes qualités.

 

 

JOURNAL

 

Je reçois une lettre du Dr Garrigues m’annonçant 10 numéros de la Chronique Médicale (Février 1932. Claude Cairuam : l’inconscience terroriste). [16 février 1932, inédit]

Je reçois dix exemplaires du numéro de février de la Chronique médicale. Je suis très fier de voir mon article sur la névrose terroriste publié en première page.
Papa le trouve pas mal et m’en fait des compliments. Je distribue et envoie des numéros à droite et à gauche, ornés de splendides dédicaces. Il ne me reste plus que deux exemplaires.
Papa revenait de faire son service de presse pour un petit bouquin : Pèlerins. « Moi aussi, criai-je triomphalement, je fais aussi mon service de presse » et je dédicaçais à maman, à Jacques, à gramcht, à tante Marie-Thérèse et à Jean Davray mon petit article.
Papa m’en demanda un exemplaire et j’en fus très flatté. Je lui écrivis à peu près la dédicace suivante : « A mon cher papa pour que le proverbe tel père tel fils ait raison, j’offre ces premières pages imprimées. »
Cet article sur l’Inconscience terroriste, je l’avais écrit au mois d’octobre dernier : l’exaltation où sa rédaction m’avait mis s’étant évanouie avec les mois, je le trouvais maintenant « moche ». Mais je vis avec plaisir que ce n’était pas l’avis de papa. Il me découvrit une vocation de psychiatre que je ne suis en effet pas loin d’avoir. Les compliments de papa sont rares : ils en ont d’autant plus de valeur. [17 février 1932, Ti 7, 46-47].

 

 

LA CHRONIQUE MEDICALE

 

Un côté de la névrose révolutionnaire. L’Inconscience. Par Claude Cairuam.

L’imagination populaire, celle qui crée les légendes, se représente généralement nos pères de 1793 comme des titans fabuleux, n’ayant rien d’humain que la forme. Pour les uns, ce furent d’effrayants génies qui sauvèrent la France ; pour les autres, des « hydres affamées de carnage », « des tigres altérés de sang », que sais-je encore ! Jamais les lieux communs n’eurent de terrain plus propice à leur développement.
Etrange période que celle de la Révolution !
On peut assurer que, de 1789 à 1793, tous les « patriotes » furent atteints de la même maladie, maladie qui explique bien des excès, bien des cérémonies et des démonstrations qui nous étonnent. La Révolution fut désastreuse pour certains esprits faibles qui, éblouis par tout ce que leur promettait le nouvel état des choses, y perdirent la raison.
Quels étaient les éléments de cette névrose générale ?
Je n’en puis indiquer dans le cadre limité de cet article que les principaux symptômes. Ce fut d’abord une surexcitation et une exaltation telle qu’aucun homme ne pouvait demeurer dans son état normal, surexcitation qui fit les journées populaires et les massacres. Puis, vint un enthousiasme véritable, sincère, qui déformait tout, rendant capable des actes les plus nobles, comme des plus féroces. Il s’accompagna d’une sensibilité et d’une crédulité désarmantes : fausse sensibilité à la Rousseau, faite de démonstrations qui nous paraissent puériles. Ajoutez à cela l’appât du gain et l’enivrement de ceux qui, partis de rien, se trouvaient tout à coup investis des plus hautes charges et vous aurez une juste idée des causes extérieures de la névrose terroriste.
Alors que sortaient de la foule une quantité de gens sans aveu, avide de rapines, qui sautèrent sur la Révolution comme sur une proie inespérée, il y avait à la tête du pays de « sincères patriotes » imbus du Contrat social, parfaitement honnêtes et, le plus souvent, atteints de la curieuse maladie dont je viens de parler. Ces névroses-là sont surtout remarquables par un côté du mal, qu’à dessein, je n’ai pas noté tout à l’heure : l’inconscience. La psychologie des terroristes ne saurait, en effet, être complète si on ne s’arrêtait pas à l’étrange inconscience dont étaient affectés la plupart d’entre eux.

Voici un des hommes dont l’Europe entière se raconte avec horreur les cruautés inouïes, qui envoie à l’échafaud sans sourciller des femmes et des enfants, qui terrorise une contrée, donnant la guillotine en spectacle, l’agrémentant encore avec un art si subtil et si terrible qu(on pourrait le croire fou furieux. J’ai nommé Joseph Le Bon. Eh bien ! ce même homme, sitôt en famille, devient un être doux, timide, tendre, aimant, plein d’amabilité et de politesse. Il adore sa femme et ses enfants ; jusqu’à l’échafaud, il pensera à eux, s’inquiétant de la santé de sa femme, des progrès de ses petits, et il succombera persuadé d’avoir rempli son devoir en servant avec zèle sa patrie, martyr de cette liberté pour laquelle il a massacré tant et tant d’innocents dont le souvenir ne l’importune pas.
Voici Hébert maintenant, dont la feuille sanguinaire envoie la reine à l’échafaud et souffle sur Paris la haine et le sang. Il est doux, poli et, qui le croirait, amoureux de son « chez-soi ». Bon père lui aussi, meilleur mari encore, c’est dans un intérieur bien tenu où tout respire la tranquillité, le calme, la douce intimité des bonnes maisons bourgeoises, qu’il rédige son infâme journal. C’est là que se préparent « les grandes colères du Père Duchesne » ; c’est là qu’il harcèle la reine de toute sa haine, là qu’il écrit sur son compte les plus atroces calomnies.
On peut multiplier les exemples : Fouché, après avoir fait hacher par la mitraille des milliers de personnes, passe auprès de sa femme, dont il est amoureux, de bonnes soirées que rien ne semble troubler, jouant avec sa petite fille bien-aimée dont la santé l’inquiète. Billaud-Varenne, froidement et méthodiquement, signe inlassablement des condamnations ; par la suite il n’aura pas un regret. Fouquier-Tinville, pas plus cruel ni plus sanguinaire qu’un autre, accomplit mécaniquement sa besogne de mort, tel un bureaucrate consciencieux. Robespierre, après avoir signé l’acte de mariage de Camille Desmoulins – son ami d’enfance, - après avoir souhaité aux deux époux bonheur et réussite, après avoir fait sauter sur ses genoux l’enfant né de cette union si bien commencée, n’hésitera pas à faire guillotiner le jeune couple plein d’amour et d’espérance.
Et l’on pourrait citer des cas à l’infini, de Saint-Just à Collot d’Herbois, de Fréron à Tallien…
Comment trouver la cause de cet étrange état d’esprit ? La satisfaction d’avoir rempli son devoir et celle d’avoir obéi uniquement, comme une machine, aux ordres de la Convention, telle est, je crois, l’explication de cette inconscience dans la plupart des cas. Aussi ces terroristes vivaient-ils et mouraient-ils sans remords, excusant et expliquant leurs terribles excès, - qu’ils croyaient du reste utile à la cause de la Révolution – en disant comme Le Bon à qui on passait la chemise rouge des parricides pour le mener à l’échafaud : Passez ce vêtement à la Convention dont je n’ai fait qu’exécuter les ordres. Ou comme Carrier se défendant ainsi devant l’assemblée : Pourquoi blâmer aujourd’hui ce que vos décrets ont ordonné ? La convention veut-elle donc se condamner elle-même ? Si l’on veut me punir, tout est coupable ici, jusqu’à la sonnette du président !
Quelques-uns pourtant n’accusèrent personne, certains qu’ils étaient de la nécessité de leurs actes. Ce furent les plus généreux, les plus grands, les plus admirables de ces terribles hommes. Et l’on ne saurait mieux conclure qu’en citant ces lignes de Billaud-Varenne – le prototypes des révolutionnaires sincères dont je viens de parler – lignes dignes d’un héros cornélien :

Je souffre justement, car j’ai versé le sang humain : mais si j’étais encore dans les mêmes circonstances, je voudrais remplir la même carrière. Il fallait employer les moyens extrêmes et je me suis dévoué. Il y en a qui ont donné leur vie : j’ai fait plus, j’ai donné mon nom. J’ai permis de douter de ce que j’étais. La postérité même ne me rendra pas justice. J’en ai plus de mérite et de gloire à mes propres yeux.

 

 

JOURNAL

 

J’écris un court article que j’envoie au Siècle Médical. C’est sur ce sujet : il existe encore des coins de France où les médecins ne viennent pas constater les décès. Que d’enterrés vivants et que de crimes à cause de cette incurie ! Il faut remédier à cet état de chose. [18 février 1932, inédit]

Je reçois l’Intermédiaire. A la rubrique « Trouvailles et curiosités » ma signature figure trois fois. Ma brève et banale note sur le livre de Jean Davray y est publiée. [19 février 1932, Ti 7, 47]

 

 

L’INTERMEDIAIRE (29 février 1932)

 

La vérité sur Valmy. — Que faut-il penser de la bataille de Valmy ? Est-ce vrai que la fuite des Prussiens ne fut due qu’à un simple « marché » ? Je recevrais avec plaisir toutes communications à ce sujet. (col. 137)

Claude Cairuam

 

La névrose d’Alfred de Musset. — De tous les névrosés dont il nous a été donné d’étudier le mal, Alfred de Musset est un des plus intéressants.

Dès son enfance il avait été sujet à des crises nerveuses qui, par la suite, ne firent que s’accroître.

Paul de Musset, si enclin pourtant à taire tous les mauvais côtés de la vie de son frère, n’a même pas essayer de nier ce que George Sand, Mme Jaubert, Mme Allan, Mme Martellet ont tour à tour rapporté au sujet de ses hallucinations.

Son mal que George Sand a appelé « sorte d’épilepsie intellectuelle » se révélait par plusieurs symptômes.

Tout d’abord Musset avait de fréquents cauchemars. Les rêves où il se voyait couché près d’un cadavre et environné de squelettes n’étaient pas rares.

C’est surtout dans la jalousie – une jalousie maniaque qui est d’un fou – que sa névrose est la plus apparente. On se rappelle ses nombreuses scènes avec George Sand, Aimée d’Alton, Louise Allan, ses crises de nerfs semblables à des accès de folie, que suivait un été d’abattement extrême. Mme Allan écrit qu’Alfred : « a été pris d’un accès de délire ; il y est sujet lorsque sa tête s’exalte, ce qui tient à ses anciennes et funestes habitudes (1) [note : (1) Est-ce tellement vrai ? C’est la question posée aux « intermédiairistes »]. Dans ce cas il a des hallucinations et parle avec des fantômes. » Ailleurs elle parle de ses « attaques de nerfs qui amènent des transports au cerveau, des hallucinations et des délires ». et elle ajoute qu’il lui arrivait « d’être possédé d’une sorte de démon ».

C’était à ce point inquiétant que George Sand n’hésita pas un jour à le menacer de le faire interner. Or, c’était ce que Musset redoutait le plus. Il avoue à sa gouvernante, peu avant sa mort, qu’il avait toujours eu peur qu’on le mettre dans une maison de santé.

Il songea même à se tuer et Paul, pressentant son suicide, lui enleva un jour ses pistolets.

Musset buvait et buvait même beaucoup. Mais son mal semble avoir précédé cette funeste habitude. D’autre part Tattet écrivit : « Alfred continue à être plongé dans les filles, il y laissera son génie et sa santé. Quel suicide ! » Je fais à cela la même remarque que précédemment : le mal de Musset date de son enfance.

Ce que je demande ici c’est d’abord le diagnostic de nos confrères médecins. Ensuite l’avis de ceux qui connaissent Musset au point de vue psychologique et pourraient m’apporter les renseignements désirés :

De quoi souffrait Musset ?

Pour oublier quelle tare eut-il recours à la débauche et aux boissons ?

Quelle est la cause cachée de sa bizarre constitution et, dans son œuvre, du peu d’algophilie qu’on y découvre ? (col. 143-144)

Claude Cairuam

 

 

JOURNAL

 

Je reçois une lettre adressée au docteur Claude Mauriac ( !!). C’est le Siècle Médical qui me dit que le fait sur lequel j’attirais son attention (voir 18 février) n’est pas particulier à la Gironde, mais à toute la France. Il ne publiera pas ma note qui l’exposerait à recevoir des milliers de lettres de médecins de campagne. Je la rédigerai autrement. Il faut absolument que cet état scandaleux cesse. J’espère que sous sa nouvelle forme plus générale, mon article sera inséré. [9 mars 1932, inédit]

Je reçois une lettre de M. F. Priault me disant qu’il accepte mon article sur Napoléon taquin pour la Revue des Etudes Napoléoniennes. [11 mars 1932, inédit]

Le Siècle Médical publie mon article sur la Suggestion des foules révolutionnaires. Je suis enchanté… Mais croyant que ce journal les refusait j’avais envoyé ces pages à la Chronique Médicale qui les avait acceptées. Que faire ? [15 mars 1932, inédit]

Je reçois une lettre furieuse du directeur de la Chronique Médicale. Au fond, il a raison. La conduite du Siècle Médical a été inconcevable. Après 3 mois d’un silence complet il fait paraître un article dont il ne m’avait jamais accusé réception ! Au bout d’un mois, ne recevant rien, j’avais écrit que j’envoyais mes pages à la Chronique Médicale qui les acceptait. Je ne reçus encore aucune réponse. Enfin tout est arrangé… Je suis fort content au fond. Le Siècle Médical a le plus fort tirage de tous les journaux médicaux et il pénètre jusqu’aux colonies les plus lointaines… Je vais chercher au Siècle Médical dix numéros du Journal. [16 mars 1932, inédit]

Je reçois une lettre charmante du docteur Garrigues, directeur de la Chronique Médicale. Mais qu’il a l’air de détester le Siècle Médical ! […] [17 mars 1932, inédit] Je commence mon fameux article sur la Solitude [17 mars 1932, Ti 7, 65].

Je suis en train d’étudier la solitude morale de Vigny, de Nietzsche… Je ferais mieux de parler de la mienne… [19 mars 1932, inédit]

Je termine mon article sur la solitude que j’envoie au Correspondant. Je reçois une lettre de Davray et l’Intermédiaire. [Saint-Symphorien, 23 mars 1932, inédit]

Je finis la suite de mon article sur la suggestion des foules révolutionnaires. [28 mars 1932, inédit]

J’apprends que j’ai reçu du Siècle Médical un chèque de 79 F 50 en payement de mon article. Mon premier argent gagné… C’est merveilleux de pouvoir se dire : « ces 79, 80 m’appartiennent en propre… Je ne les dois qu’à moi. » Je me propose d’acheter avec ces premiers sous un cadeau à Maman… [1er avril 1932, inédit]

Ce cher Monsieur Charavay, le bien connu expert d’autographes qui était si gentil pour moi est mort… Je suis bien peiné de cette disparition. Je l’aimais beaucoup. [3 avril 1932, Ti 7, 66]

Je reçois la Chronique Médicale où figure mon article : Rousseau et la contradiction [12 avril 1932, inédit]

 

 

LA CHRONIQUE MEDICALE

 

Rousseau et la contradiction par Claude Cairuam

Une des particularités les plus caractéristiques de la maladie si complexe, dont fut atteint Jean-Jacques Rousseau, est un éternel état de contradiction entre ses actes et ses pensées, entre ce « qu’il était et ce qu’il croyait être ». Sa maladie spirituelle, si liée à sa maladie physique, était en outre faite dans ses grandes lignes de manies, d’idées fixes, de phobie, de sensibilité, de surexcitation, d’orgueil surtout, car le moi chez lui prenait des proportions si monstrueuses, qu’il en arrivait à se croire le point de mire de l’univers entier.
Quand on étudie Jean-Jacques, la première contradiction qu’on trouve réside dans le contraste de son aptitude à la vertu qu’il prône sans cesse et des mauvais instincts auxquels il obéit sans jamais leur opposer ses sages préceptes. C’est ce point-là seulement que nous étudierons.
Ce cœur si sensible n’aura pas honte d’accuser une servante d’un vol que lui-même a commis. Cet homme qui dans l’Emile préconisera à un si haut degré l’éducation et l’amour paternel, trouvera tout naturel de renouveler cinq fois un acte horrible qui serait plus odieux encore s’il n’était pas excusé par la maladie même de son auteur : je veux parler de l’abandon de ses enfants. Comment croire que celui qui, à cinq reprises différentes, mit ses enfants à l’hospice, est le même homme qui écrivit ces lignes :

Celui qui ne peut remplir le devoir de père n’a pas le droit de le devenir. Il n’y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même… Hommes, soyez humains ! C’est votre premier de voir. Aimez l’enfance, favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct. Qui de vous n’a pas regretté quelquefois cet âge où le rire est toujours sur les lèvres et où l’âme est toujours en paix ? Pourquoi voulez-vous ôter à ces innocents la jouissance d’un temps si court qui leur échappe et d’un bien si précieux dont ils ne sauraient abuser ? Pourquoi voulez-vous remplir d’amertume et de douleurs ces premiers ans si rapides qui ne reviendront pas plus pour eux qu’ils ne peuvent revenir pour vous ? Pères, savez-vous le moment où la mort attend votre enfant ? Ne vous préparez pas des regrets en leur ôtant le peu d’instants que la nature leur donne. Aussitôt qu’ils peuvent sentir le plaisir d’être, faites qu’ils en jouissent : faites qu’à quelque heure que Dieu les appelle, ils ne meurent point sans avoir goûté la vie.

Hypocrisie ? Rien n’est moins certain. Rousseau est lui aussi un névrosé, il ne faut pas l’oublier ; et, sans doute, pouvons-nous le ranger dans la catégorie, si nombreuse, des inconscients. Inconscient ! Oui, puisque, sans peut-être en avoir l’intention préméditée, il truqua sa conscience, pour qu’elle pût excuser ses mauvais instincts. Mais il ne pouvait pas ne pas s’apercevoir du déséquilibre qui existait entre ses actes et ses pensées. Aussi maquilla-t-il son âme elle-même pour qu’elle reflétât ses sentiments sur ses actes et conciliât ainsi par des raisonnements faux ce qui était coupable en lui et ce qui était louable.
Conciliation dont il fut la seule dupe et qu’aucun homme ne prit jamais au sérieux. Rousseau vivant fut incompris. Il en avait le sentiment très net et ce fut le point de départ de sa vie solitaire où, tâchant d’abandonner le monde, il était poursuivi par l’idée fixe que l’anathème général se concentrait sur lui.
Rousseau débordant en lui-même de vertu et d’amour, se rendant compte qu’on ne comprenait de lui que ce qu’on en voyait, convaincu de sa bonté et ne pouvant la prodiguer, Rousseau voulut ne plus se soucier ni de ses contemporains, ni des générations futures, qui, pensait-il, lui seraient aussi hostiles.
Il herborisa, entrant alors « en communion si intime avec la Nature » qu’il nous a laissé sur elle les pages les plus vraies, les plus humaines, les plus ravissantes de son œuvre. Mais le Promeneur solitaire ne put que se persuader qu’il avait rompu avec le Passé et n’était plus l’auteur du Contrat social… Jean-Jacques traînait toujours après lui Rousseau et derrière ses plus belles pages, on sent toujours le plébéien haineux, l’homme aigri et persécuté.

 

 

JOURNAL

 

Je reçois une lettre du directeur du Correspondant me disant : « J’ai bien reçu l’article que vous m’avez envoyé… J’aurais beaucoup de choses à vous dire à ce sujet et serais en même temps très heureux de faire votre connaissance. » Il me fixe un rendez-vous que je ne peux malheureusement pas accepter à cause de mes classes. [14 avril 1932, inédit]

Réponse du Correspondant qui refuse mon article comme trop « systématique ». Dans cette lettre de conseils amicaux et quelquefois de compliments je devine l’écriture de quelqu’un qui sent que je suis le fils de François Mauriac… ce qui m’horripile.

Le soir à table papa m’attrape vertement parce que j’ai envoyé aux Nouvelles Littéraires, il y a de cela plusieurs mois, une note de dix lignes sur le livre de Jean Davray. Il m’accuse de me servir de son nom… J’étais furieux car il n’est rien tant qui m’énerve le plus que de valoir par ce que papa vaut. J’aurais pu lui répondre à mon tour que mes articles publiés jusqu’à ce jour l’ont été sans que l’on sache que j’étais le fils de François Mauriac puisqu’on m’adressait mes lettres au nom du Dr Claude Mauriac. De plus si j’ai envoyé un essai au Correspondant, c’est que papa lui-même m’avait dit un jour (et Jacques en est témoin) : « Voilà une revue où tu pourras écouler ta prose… » Quant à la brève note (dix lignes à peine) des Nouvelles Littéraires, elle n’avait qu’un but : faire plaisir à Jean Davray.
Je ferai bien voir à mon père que si je vaux ce n’est pas de sa faute… ou malgré lui.
Moi me faire publier parce que je suis son fils, la belle affaire.
Je jure à ce journal intime que je n’y ai jamais pensé… Papa m’a fait souffrir.
Ce soir [2 lignes et demie raturées]
Orgueil, oui orgueil mais aussi fureur de me voir ainsi méprisé ! René de Vivie de Régie et Louis Barthou savaient-ils que j’étais le fils du romancier…
Ah ! le jour où je pourrai percer… [22 avril 1932, inédit]

Je prends des notes sur la Révolution. Je compte faire cet été – si j’ai passé mon bachot – une « Psychologie de la Révolution Française ». [27 avril 1932, inédit]

Après le « savon » que m’a passé papa l’autre jour au sujet de mes articles, je frémissais en songeant que j’avais durant les vacances de Pâques, envoyé une nouvelle à Gringoire. Que ce journal me réponde et qu’une lettre à en-tête imprimé arrive lorsque nous étions à table, lors du courrier du soir, et j’étais fichu. Je me décidai aujourd’hui à écrire au directeur, Mr Carbuccia, de mettre ma nouvelle au panier et de surtout ne pas me répondre. Ouf ! J’ai le cœur plus tranquille. Mais pourvu que sa lettre n’ait pas été déjà envoyée ! Enfin ! Toutes ces choses ne se reproduiront plus car je ne donnerai jamais plus que mon pseudonyme. Claude Mauriac n’existe pas dans ce domaine ! Je vais choisir un pseudonyme moins transparent et plus euphonique que Claude Cairuam… et papa ne pourra plus me faire le plus grand affront qu’il est en son pouvoir de me faire. » [29 avril 1932, inédit]

[note sans date] Orgueil… J’avais vraiment pris Claude Cairuam au sérieux… Je suis fort détrompé… René de Vivie de Régie et surtout Barthou me firent croire que Claude Cairuam pouvait raisonnablement exister… Peuh !!!… Humilité pour l’instant, mais humilité passagère. J’attends d’être « quelqu’un » pour la laisser tomber. [à la suite du 30 avril, inédit]

 

 

L’INTERMEDIAIRE (15 avril 1932)

 

Prophéties et curiosités sur Napoléon. Bernadotte (XCIV, 329, 437, 544, 633, 728, 925). — Je voudrais savoir s’il est vrai que Mlle Lenormand prédit à Bonaparte et à Bernadotte qu’ils seraient rois tous les deux.

A propos de Bernadotte il est une autre anecdote que je voudrais voir vérifiée : une cartomancienne lui aurait dit qu’elle voyait s’élever au ciel de France, puis tomber un soleil resplendissant alors qu’une étoile – la sienne – brillait obstinément vers le nord. Quel auteur a rapporté cette prophétie. De quand date-t-elle ?

Est-il vrai également que l’enfance de Bernadotte fut bercée d’une légende selon laquelle une de ses aïeules du côté maternel, la fée du lac d’Azun, trahie par son mari Abaddie de Sireix avait reçu de ce dernier la promesse qu’un roi sortirait de sa race ?

Je serais enfin reconnaissant à tous les intermédiairistes qui voudraient bien me faire part d’autres prophéties et curiosités de ce genre. (col. 298-299)

Claude Cairuam

 

Une lettre inédite du général Moreau à l’armée du Rhin (XCV, 89, 193, 349). — Je remercie M. Gaston Prinet de son intéressante réponse. La lettre en question est bien datée du 3 germinal. Il n’y a à ce sujet aucun doute. Un confrère de l’Intermédiaire pourra peut-être cependant résoudre le problème. Je l’en remercie d’avance. (col. 299)

Claude Cairuam

 

 

JOURNAL

 

Papa a su que j’avais renvoyé au Siècle médical l’article refusé par le Correspondant. Il me demande ce soir à table : « Avant de te donner ton mois, je veux savoir si tu as envoyé ces pages avant ce que je t’ai dit l’autre jour. » « Naturellement », répondis-je. J’avais menti et mon cœur me faisait mal. Je n’accepterai mon mois que lorsque j’aurai tout avoué… Mais je ne croyais pas faire mal, le Siècle Médical ignorant que je suis le fils du romancier au point qu’il semble même ne pas connaître son nom et qu’il m’écrit soit : docteur Cl. Mauriac, soit Monsieur Mauriac tout court (c’est comme ça, en ouvrant une lettre à moi adressée, que papa a appris l’affaire…). Je suis excédé par toutes ces histoires… Mais efforçons-nous de les oublier et ne pensons qu’au Bachot, chaque jour plus effrayant, chaque jour plus proche.
Après, si Dieu m’ayant pris en pitié m’a fait passer, Claude Cairuam n’existera plus… Il est mort d’ores et déjà. Claude Vémars lui succédera… Il est né aujourd’hui.
Personne ne soupçonnera quel véritable nom il représente.
Quant à mon mensonge qu’a seul causé la peur que m’inspire papa depuis sa maladie, nous verrons ultérieurement à nous en occuper… [2 mai 1932, inédit]

Je reçois la Chronique Médicale avec en première page mon article : « Napoléon et les femmes » [10 juin 1932, inédit]

Je reçois l’Intermédiaire où je trouve de très intéressants renseignements sur ma lettre de Moreau [11 juin 1932, inédit]

 

 

CHRONIQUE MEDICALE (1er juin 1932)

 

Napoéon antiféministe par Claude Cairuam

Quand on étudie la prodigieuse histoire de Napoléon, on découvre des détails qui surprennent, qui peinent même parfois. Il en est ainsi en particulier de son attitude avec les femmes, qui contraste trop avec la galanterie des monarques de l’Ancien Régime, pour ne pas nous être désagréable.
Nous ne demandons pas mieux que de croire Constant quand il nous dit que l’Empereur « professait la plus grande vénération pour une femme de bonne conduite et faisait cas des bons ménages », mais nous nous abstenons – bien qu’au fond ce ne soit qu’une simple question de mots – quand il écrit que Napoléon, s’il n’était pas toujours galant avec les femmes, ne fut jamais grossier.
A la vérité, Napoléon fut antiféministe et toujours il s’éleva contre les femmes [la suite de l’article développe cette thèse].

 

 

L’INTERMEDIAIRE (15 juin 1932)

 

Une prophétie de Cazotte rapportée par La Harpe. — Peut-on accorder confiance à un récit où La Harpe rapporte les étranges prédictions que fit Cazotte quelque temps avant la Révolution ? N’a-t-il pas inventé ou du moins arrangé les trop véridiques paroles de Cazotte qui prédit tour à tour la mort de Condorcet, celle de Bailly, de Malesherbes, du roi, de bien d’autres encore ?

J’ai lu les pages en question dans un ouvrage de morceaux choisis, sans aucune indication d’origine et je désirerais savoir de quel ouvrage de La Harpe elles sont extraites. (col. 475)

Claude Cairuam

 

Vémars (XCIV, 146). — Un abonné de l’Intermédiaire a posé il y a environ un an une question sur la seigneurie de Vémars (Seine-et-Oise), question qui est restée sans réponse. Ce petit village, éloigné de 5 kilomètres de la gare la plus proche (Survilliers) et aujourd’hui assez pauvre, était bien plus important sous l’ancien régime. M’intéressant à la question, et manquant de documents précis, je désirerais avoir des renseignements sur l’étymologie de cette localité, sur son église, sur ses seigneurs, etc…
Je remercie d’avance les intermédiairistes qui pourront me répondre
Jean Davray

 

Hommage à Noël Charavay

Noël Charavay est mort… Tous ceux qui l’ont connu et aussi tous les amis de l’histoire, tous ceux que passionnent les documents et les autographes, ont vu partir avec tristesse cet homme fin, lettré qui passa toute sa vie parmi ces vieux papiers qu’il savait si bien faire aimer.

Pour moi je me rappellerai toujours les visites que je faisais à Noël Charavay. Depuis la rue, cette charmante rue de Furstemberg si calme, si jolie où il y a toujours des enfants qui jouent sous les catalpas, depuis cette charmante petite place aux vieilles maisons où le souvenir du passé vous obsède, où l’on évoque malgré soi l’ombre de Delacroix, on apercevait, derrière la fenêtre de son bureau, Noël Charavay penché sur sa table de travail…

Je le revois encore m’accueillir en souriant puis me précéder à travers les pièces sombres de son appartement.

Dans son bureau qui embaumait les vieux papiers il étalait ses trésors sans se faire prier…

Je n’avais guère plus de quinze ans que j’étais déjà un assidu du cabinet d’Autographes de la rue de Furstemberg…

Je dois à Noël Charavay bien d’émouvants souvenirs et je ne puis oublier nos entrevues dans le bureau aux cartons verts… Lui calme, jovial, plein d’affabilité et de complaisance, moi enthousiasmé… Ah ! il savait faire revivre les siècles passés M. Charavay ! Quels bons moments nous passâmes tous les deux et que de fois je le quittai avec un autographe de plus pour ma collection… un autographe qu’il m’avait laissé pour presque rien…

Est-il besoin de rappeler la vie de M. Charavay ?… Elle fut sans histoire et les lecteurs de l’Intermédiaire n’ignorent pas avec quelle compétence Noël Charavay collabora avec son frère Etienne, puis à partir de 1894, assuma seul la direction de sa maison…

C’est avec émotion que nous rendons un dernier hommage à la mémoire de cet homme bon et simple qui mourut à l’âge de 70 ans au milieu de ces autographes auxquels il avait consacré toute une vie de travail et de dévouement…

Claude Cairuam

 

 

L’INTERMEDIAIRE (30 juin 1932)

 

Vémars : vignes dans les environs de Paris. — En faisant des recherches sur la Seigneurie de Vémars, j’ai lu dans plusieurs documents qu’il y avait des Vignes à Vémars :

En 1524 un paysan achète un quartier de vigne. En novembre 1683, un autre rend « des vignes situées près du bois Robert ».

Vers la même époque je vois faire mention dans les actes notariés de terres aux noms évocateurs : Le Vignoble – La vigne de Roissy – Le vignoble de Fondic, etc.

Or Vémars est à 28 kilomètres au nord de Paris. Le climat relativement rude semble rendre impossible la culture de la vigne.

Y a-t-il dans les environs de Paris d’autres contrées où il y a eu de la vigne à un moment donné ? (col. 532-533)

Claude Cairuam

 

Vémars (XCIV, 146 ; XCV, 502). — J’ai pu consulter des documents originaux sur l’ancienne seigneurie de Vémars et je suis aujourd’hui à même de donner à M. Jean Davray quelques-uns des renseignements qu’il désire.

Au XIIe siècle ce village était encore appelé du nom latin de Vémarcium (1). Par la suite on écrivit tour à tour Avémar (2), Avémart, Vaulmart (3),Vémart et enfin Vémars, orthographe qui a prévalu. Les étymologies qui ont été données ne sont pas certaines. Citons que la plupart des érudits font venir le nom de cette localité de Ave Maria (Avemar) ou de Vallis Maris (Vaulmar). Il y avait en effet à Vémars sous l’ancien régime une chapelle consacrée à la Vierge et dont il ne reste plus trace aujourd’hui : Notre-Dame des Achis (4).

D’autres étymologistes pensent que Vémars veut dire Vallée de Mars.

L’église de Vémars, assez belle et très vaste est « bâtie en forme presque carrée toute de pierre et voûtée ».

Dépendant de l’évêque de Paris et du doyenné de Montmorency, elle était des plus riches. Mais la Révolution vint, elle fut pillée, servit pendant longtemps de fabrique de chaux et depuis n’a jamais retrouvé sa splendeur passée.

Quant à la seigneurie de Vémars elle était composée à l’origine de trois principaux fiefs : l’un le fief de Chennevière, les deux autres qui relevaient de « l’abbaye royale de Madame Sainte-Geneviève au Mont de Paris ». Le tout fut aliéné par l’abbaye comme subvention ecclésiastique et ne forma plus qu’un fief, le fief de Vémars.

Les points extrêmes de la seigneurie était Moussy (le neuf), Soissy (1), Chennevière, Villeron, le Petit Argenteuil (2), Plailly.

Quand on voit le village actuel, on a peine à se figurer que Vémars possédait autrefois une auditoire, une prison et un poteau de justice avec carcan sur la place de l’église.

Je n’ai pas terminé la liste des seigneurs de Vémars. Je me ferai un plaisir de la communiquer à mon confrère dès que je l’aurai mise à jour.

Claude Cairuam

(1) Cf. charte de Maurice de Sully, Evêque de Paris, 1163

(2) Ainsi écrit dans des titres de l’Abbaye de Chaalis.

(3) Le nom est ainsi orthographié sur une pierre tombale du XVIIIe siècle.

(4) Aussi appelée N. D. d’Apches, N. D. de Cosches, N.D. de Coches.

 

 

JOURNAL

 

A Vémars où j’arrive pour déjeuner, je passe une très bonne journée. Pour la première fois depuis bien longtemps je travaille pour l’Intermédiaire (sur Vémars). [1er juillet 1932, inédit]

Je travaille à mes « Notes pour un essai psychologique de la Révolution, je les publierai probablement dans la Chronique Médicale après les avoir bien fignolées à Malagar. [Font-Romeu, 30 juillet 1932, inédit]

Je travaille beaucoup à mes « Notes… » et termine ce qui sera un premier article pour la Chronique Médicale… [1er août 1932, inédit]

Reçu lettre du Dr Garrigues refusant mon article sur la « Psychologie de la Révolution » comme trop peu médical et trop partial. Il a un peu raison…Je bouquine toute l’après-midi et commence une étude sur la médecine au moyen âge d’après des articles d’anciennes revues… [8 août 1932, inédit]

Je termine mon article médical [9 août 1932, inédit]

Je commence un roman « Le Fils à papa » ( !) et un article « Causes, symptômes et évolutions de la névrose révolutionnaire », et cela sans d’autre aide que ce que je sais. Le Dr Garrigues écrit qu’il accepte pour la Chronique mon dernier article « Médecins et Médecine au Moyen-Age » [12 août 1932, inédit]

 

 

L’INTERMEDIAIRE (15-30 juillet 1932)

 

Pache : Liberté, Egalité, Fraternité ou la mort. — Jean Nicolas Pache, maire de Paris et ministre de la guerre est-il vraiment l’inventeur de cette célèbre devise révolutionnaire : Liberté, Egalité, fraternité ou la mort. (col. 577)

Claude Cairuam

 

Voltaire et d’Argental. — Pour quelle raison Voltaire appelle-t-il toujours dans ses lettres d’Argental, mes anges ? (col. 581)

Claude Cairuam

 

Vémars (XCIV, 146 ; XCV, 502). — Voici la liste que j’ai pu dresser des seigneurs de Vémars. Je me suis efforcé de la rendre aussi complète que possible.

1211. – Robert de Saint-Denis, appelé Miles de Evemars.

1266. – Jean Beccout de Vémart, chevalier. Il recevait 40 sols de rente annuelle de la bourse de l’abbé de Saint-Denis. On trouve en 1270, une Emeline de Vémart, femme de Jean de Versailles, chevalier.

1270. – Pierre de Vémart, chevalier. Ce fut lui qui donna et vendit en partie son château à l’abbaye de Sainte-Geneviève de Paris « avec dépendances, terres, hôtes et coutumes, la seigneurie, le droit de justice plus cinq sols de rente annuelle ».

13.. ?.- Baudouin de Vémars.

1415. – Jean de Romain, conseiller au Parlement. Il épousa la même année Marie de Marle, fille de Henri, chevalier de France.

1493. – Gilles Anthonis, secrétaire du roi.

1553. – Son fils, Jacques Anthonis, « l’un des quatre Elus de Paris ». Il laisse en mourant la seigneurie à sa femme Marguerite Fournier.

Comme je crois l’avoir déjà dit précédemment la seigneurie de Vémars était alors divisée. On trouve en effet en 1518 un Antoine de Crocq, seigneur de Chênevière, « Seigneur en partie de Vémars ».

1520. – Louis du Crocq, écuyer.

1600. – Christophe du Crocq.

1634. – Guillaume du Crocq.

1653. – Estienne de Sainctot « conseiller du Roy en ses conseils et conseiller à sa cour du Parlement ».

1750. – Nicolas Sainctot « chevalier, seigneur de Vémars, conseiller du Roy en ses conseils, introducteur près sa Majesté des ambassadeurs et princes étrangers ».

Enfin jusqu’à la Révolution « le Très Haut et Très Puissant seigneur, monseigneur Nicolas-François-Julie, comte de La Tour d’Auvergne et d’Apcher de Montluc, marquis de la Margeride, seigneur de Vémars, Créquy, Sains, Fressin, Wambercourt, Marsan et autres lieux, lieutenant-général des armées du Roi et lieutenant-général de la Province d’Anjou et du pays de Saumurois ».

J’aimerais avoir des renseignements sur ce dernier seigneur. (Col. 601-602)

Claude Cairuam

 

 

JOURNAL

 

Commencé un article sur les hommes de génie et la souffrance [3 septembre 1932, inédit]

Reçu épreuves nouvel article pour Ch. Médicale, « Napoléon et les médecins » [10 septembre 1932, inédit]

A partir d’aujourd’hui je prends un nouveau pseudonyme : Claude Agard. Je me suis entendu avec Lévy. Je ne donnerai jamais mon vrai nom et me ferai adresser mes lettres chez lui. Voilà qui empêchera des incidents ennuyeux de se reproduire [14 septembre 1932, inédit]

Tante Germaine me donne plein d’anciens numéros de la Chronique Médicale qui font mes délices [28 septembre 1932, inédit]

Journée embellie par la Chronique Médicale que je dévore [29 septembre 1932, inédit]

Arrivée le soir de Jacques (parti depuis deux jours) avec Jean Pouquier et Edouard Cruse. Ils m’apportent de la part d’oncle Pierre le n° d’octobre de la Chronique Médicale où il y a mon article : « Napoléon et les médecins » [Saint-Symphorien, 8 octobre 1932, inédit]

 

 

 

LA CHRONIQUE MEDICALE (1er octobre 1932)

 

Napoléon et la médecine par Claude Cairuam

Napoléon, qui avait des notions sur chaque chose, dissertait agréablement et avec subtilité de la médecine. Le docteur Warden s’étonnait, un jour, des connaissances de l’Empereur en cette matière et, à Sainte-Hélène, le docteur Antomarchi fut frappé lui aussi de la science de son auguste malade.
Napoléon s’étant, en effet, mis à parler d’anatomie, de physiologie, des phénomènes de la génération, Antomarchi ne put s’empêcher de trouver que « sa discussion était savante, juste, précise et qu’elle étincelait d’aperçus nouveaux ». Sur ce sujet, le malade incrédule qu’était Napoléon, posait malicieusement à ses doctes interlocuteurs des questions bien faites pour les embarrasser. Il n’était jamais à bout d’arguments, ne voulait à aucun prix s’avouer vaincu et, « quand il n’avait pas d’exemples sous la main à citer à l’appui de ses raisons, il ne se faisait pas scrupule d’en inventer »
Les médecins, disait-il, introduisent dans le corps de l’homme des instruments bizarrement construits, sans voir ce qu’ils font, et c’est grand miracle s’ils touchent utilement à cette pauvre machine.
[…] Voici comment, un jour, l’Empereur définit la médecine à un de ses médecins : C’est un recueil de prescriptions aveugles qui tuent le pauvre, réussissent quelquefois au riche et dont les résultats pris en masse sont bien plus funestes qu’utiles à l’humanité.

[Ces courts extraits donnent le ton général de l’article].

 

 

L’INTERMEDIAIRE (30 octobre 1932)

 

Opinions sur la paix perpétuelle et le désarmement (XCV, 426). — A propos de l’opinion de Mirabeau sur la paix perpétuelle et le désarmement, citée par notre confrère Marc Ol., il est intéressant de rappeler un discours de Louvet se rapportant à la question. A la barre de la Législative, le 25 décembre 1791, Louvet conjura en ces termes l’Assemblée de déclarer la guerre à l’Europe monarchique. « Nous vous demanderons un fléau terrible, mais indispensable : nous vous demanderons la guerre ! et qu’à l’instant la France se lève en armes. »

Mais Louvet voyait dans la guerre un moyen de préparer la République universelle : « Que les nations n’en fassent plus qu’une ! et que cette incommensurable famille de frères envoie ses plénipotentiaires sacrés jurer sur l’autel de l’égalité des droits, de la liberté des cultes, de l’éternelle philosophie, de la souveraineté populaire, jurer la paix universelle ! »

Il serait curieux de rapporter dans ces colonnes les opinions des littérateurs et des hommes politiques de toutes les époques sur les grandes questions qui sont toujours d’actualité : la paix perpétuelle, la République universelle, le désarmement. (col.777)

Claude Cairuam

 

 

JOURNAL

 

Je travaille à mon essai sur le 9 thermidor, conjuration de la peur. Il m’amuse beaucoup à écrire. [7 novembre 1932, inédit]

Je change à nouveau de pseudonyme : Claude Agard est mort-né sans avoir jamais servi. Vive Jean-Claude Dubrême. Reçu lettre d’un des directeurs de l’Intermédiaire au sujet d’une de mes communications (sur Musset) : très gentille lettre. Il est tout à fait de mon avis [3 mots illisibles] [23 novembre 1932, inédit]

Rentré à la maison à trois heures et demie. Je rédige quelques communications pour l’Intermédiaire. [30 novembre 1932, inédit]

Lévy me téléphone qu’il y a chez lui une lettre du Matin pour moi (au sujet de la nouvelle que j’ai envoyée). Que peut-elle contenir ! Peut-être l’acceptation… mais je n’ose trop l’espérer. [4 décembre 1932, inédit]

Le Matin refuse mon conte : je le comprends facilement. C’était d’un moche ! Encore bien gentil de répondre à ce Claude Agard ignoré… et déjà mort. Je travaille beaucoup à ma nouvelle sur le tableau de Manet (le bar aux Folies-Bergères). [5 décembre 1932, inédit]

Journée ordinaire. Travail pour l’Intermédiaire. [13 décembre 1932, inédit]

Je fais à la Bibliothèque Historique de très intéressantes recherches sur le rôle de Billaud-Varenne dans les massacres de septembre 1792. [15 décembre 1932, inédit]

Reçu lettre de ce correspondant de l’Intermédiaire qui me paraît un peu fou : R. de Vivie de Régie. Il propose à Claude Cairuam de lui faire parvenir le dossier qu’il a réuni sur les prophéties relatives à Napoléon et d’en user à mon gré. Je lui réponds en déclinant naturellement son offre. [26 décembre 1932, inédit]

A la fin de 1932, brusque désaffection de Claude Mauriac pour l’Intermédiaire des chercheurs et curieux. Juste une allusion le 1er janvier 1933 : « Je fais d’intéressantes trouvailles sur les agissements des émigrés en Espagne en 1791. Elles feront la matière de communications à l’Intermédiaire, communications curieuses certes mais moins sensationnelles que celle que j’ai envoyée hier sur Napoléon faux-monnayeur » (Journal, 1er janvier 1933, inédit). Et une autre le 24 février : « Après dîner je m’occupe de mes autographes et commence de copier les textes sensationnels de mes nouveaux achats pour l’Intermédiaire » (Journal, 24 février 1933, inédit). Puis c’est le silence.

Pareillement pour La Chronique Médicale. Une mention le 12 avril 1933 : « Reçu la chronique m[édicale] avec un article de moi, le dernier (Médecins et médecine du Moyen-Age). (Journal inédit) Et cette ultime notation le 1er mai : « Je reçois mon premier « argus », consécration de mon nouveau pseudonyme à l’occasion de mon article d’avril dans la Chronique M[édi]cale. C’est le Dr Garrigues qui me l’a fait parvenir. » (Journal, 1er mai 1933, inédit). En effet, comme signalé le 23 novembre 1932, Claude Mauriac signe désormais Jean-Claude Dubrême. Mais, comme l’Intermédiaire, La Chronique Médicale disparaît de l’horizon du jeune homme, préoccupé alors par son bachot (deuxième partie), et qui investit désormais son effort dans la création littéraire ; il rédige des « nouvelles » qu’il tente de placer dans diverses revues.

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