Claude  Mauriac
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 Jean Allemand : «

 

 

Claude Mauriac souhaitait de tout cœur qu’un universitaire se penche, avec science et rigueur, sur sa perception du temps. Il se serait réjoui du Mémoire de Mme Évelyne Thoizet : « Les Apories du temps dans Le Temps immobile de Claude Mauriac ». Il est précisé : « Mémoire inédit présenté en vue de l’habilitation à diriger des recherches, sous la direction de Madame le Professeur Monique Gosselin-Noat. Université Paris Ouest-Nanterre – La Défense. Automne 2011. » Ce mémoire a été soutenu brillamment, au dire d’un témoin, le 8 décembre 2011.

Claude Mauriac aurait applaudi la reconnaissance de son projet fondamental en construisant Le Temps immobile : piéger le Temps. En se servant de son Journal comme d’un laboratoire, par un montage approprié, recueillir au fond de la cornue un atome de « temps pur ». Il avouait que rares étaient les lecteurs qui entraient dans son dessein : la plupart se satisfaisaient de l’aspect autobiographique ou de l’aspect historique avec sa galerie de grands hommes. Mme Thoizet affirme d’emblée : « … le but qu’il [Claude Mauriac] poursuit dans son œuvre : saisir le temps dans son essence même » (p. 1).

Claude Mauriac n’aurait pas été offusqué par l’affirmation qui suit aussitôt : « Cette ambition est d’autant plus folle que le temps ne se laisse pas saisir : aucune des définitions philosophiques proposées depuis Héraclite ne parvient à en fixer l’essence » (p. 1). Il savait lui-même son entreprise impossible : il ne manque jamais dans son œuvre d’atténuer ses propos sur le temps par des réserves plus ou moins explicites, les traitant d’aventureux ou d’illusoires, juxtaposant affirmation et interrogation. Il avait expérimenté la difficulté de s’exprimer et de se faire comprendre sur ce sujet. Aporie : « Difficulté d’ordre rationnel paraissant sans issue » (Dictionnaire Le Robert). Il aurait approuvé Mme Thoizet de s’attaquer aux apories du temps dans Le Temps immobile pour montrer comment l’auteur a tenté de les surmonter. Ce qu’elle a fait longuement dans son Mémoire avec beaucoup d’érudition et de finesse d’analyse.

 

Voici comment elle résume dans son introduction les différentes apories que rencontre Claude Mauriac dans son affrontement avec le temps :

« À la croisée de ces diverses disciplines [philosophie, arts, science et littérature], six grandes apories peuvent être distinguées parmi toutes celles qu’engendre la quête du temps dans Le Temps immobile : la première, mise au jour par Ricœur dans Temps et récit à partir des philosophies fondatrices de la pensée occidentale du temps, celles d’Aristote et d’Augustin, concerne le temps du monde et le temps de l’âme que Claude Mauriac s’efforce de penser ensemble en proposant divers tiers-temps qu’il faudra examiner. À partir de cette première aporie fondamentale et indépassable, je m’efforcerai dans un deuxième temps d’opérer une réduction phénoménologique en n’envisageant que le temps de l’âme et en montrant comment Claude Mauriac s’est appuyé sur ses lectures philosophiques de Husserl et de Heidegger pour faire apparaître le temps en tant que tel, au sens où l’entendent les phénoménologues. Les deuxième et troisième apories concernent les ordres du temps que sont la successivité, la permanence et la simultanéité dont il convient d’étudier quelques combinaisons. Le cinquième chapitre distingue diverses tentatives de penser l’éternité en revenant sur les ambiguïtés de cette notion et les apories que celles-ci engendrent : seront ainsi confrontés l’instant d’extase hors du temps et quelques expériences de la perpétuité. Enfin, comme le discours sur le temps se répète d’œuvre en œuvre, il faut revenir sur la relation entre répétition et temps en s’interrogeant sur les significations de l’éternel retour et sur le modèle musical du Temps immobile » (p. 7).

 

Il n’est pas question de suivre dans ses méandres dialectiques cette analyse savante et bien argumentée qui s’appuie sur les grands philosophes du Temps pour débusquer les difficultés conceptuelles auxquelles se heurte Le Temps immobile et les solutions que propose son auteur. Mon incompétence d’ailleurs m’en empêche. Mais il sera impossible, à qui lira ce Mémoire, de passer à côté de la visée la plus secrète – quoique proclamée – de l’entreprise claudemauriacienne : le corps à corps avec le Temps. On ne peut donc que souhaiter son édition prochaine. Nous l’annoncerons avec joie sur ce site.

 

Jean Allemand

 

 

Dans le volume annexe au Mémoire : « Recueil d’articles », signalons :

« Ondes, courant, rayons et miroitements dans les quatre essais du Dialogue intérieur de Claude Mauriac », Roman 20-50, n ° 36, décembre 2003, pp. 81-94.

« La bibliothèque de Claude Mauriac : de la collection à la création dans Le Temps immobile et dans La Marquise sortit à cinq heures », in Les Bibliothèques entre imaginaires et réalités, dirigé par Maurice Nédelec, Artois Presses Université, 2009, pp. 446-460.

[et à paraître en 2012, aux éditions Hermann] « L’instant quelconque et le fragment dans Le Temps immobile de Claude Mauriac », colloque international Temps, rythmes, mesures… Figures du temps dans les sciences et les arts, organisé par Laurence Dahan-Gaida, Maison des sciences de l’homme Nicolas Ledoux, Université de Franche-Comté » – 3-5 décembre 2009.

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